Les conséquences de la violence conjugale sur les droits de garde, d’accès et de visite
/Le divorce ou la séparation entraîne souvent une vague d’émotions chez chacun les époux : tristesse, solitude, jalousie, frustration et parfois, la colère. Ces sentiments haineux peuvent malheureusement pousser certains parents à commettre des actes violents. En 2016, le gouvernement fédéral estimait que parmi les homicides perpétués au Canada, près de 20% étaient reliés à des crimes de violence familiale. Il n’est donc pas étonnant qu’une personne faisant l’objet de violence conjugale sera souvent détenue à moins qu’un juge de paix estime qu’elle puisse être mise en liberté sous caution.
Impact des accusations criminelles sur le droit familial
Les poursuites criminelles sont, en principe, indépendantes des procédures de droit familial. Cela dit, lorsque des accusations criminelles sont portées contre un parent en processus de divorce ou de séparation, ces accusations peuvent indirectement affecter les droits de garde, de visite et d’accès du parent en question. En effet, les conditions de mise en liberté comprennent presque toujours une interdiction de communiquer avec la victime et de rester à certaine distance de celle-ci. Il s’avère que, dans un cas de violence familiale, la victime est souvent l’autre parent. L’accusé se voit donc privé du droit de retourner à sa résidence principale si l’autre parent et les enfants s’y trouvent toujours. Si les enfants de l’accusé sont très jeunes, il peut être compliqué pour lui de communiquer directement avec eux. Il peut donc être très difficile pour le parent accusé de faire des arrangements pour continuer à voir ses enfants.
Intervention de la Société de l’aide à l’enfance
Dans les cas de violence extrême, il est possible que les droits d’accès de l’accusé soient suspendus. Si l’accusé a porté atteinte à la vie ou la sécurité de l’enfant directement, le juge de paix peut même interdire l’accusé de communiquer avec l’enfant jusqu’à la fin des procédures criminelles. Dans ces cas, un organisme public tel que la Société de l’aide à l’enfance va souvent intervenir pour offrir des mécanismes de sécurité pour la victime et pour assurer la réintégration de l’accusé dans la vie de ses enfants en temps et lieu.
Suspension des droits de garde, d’accès et de visite
Si l’accusé est mis en liberté, il revient à la victime d’entamer les étapes nécessaires en devant la cour de droit de la famille pour apporter des modifications aux droits de garde, d’accès ou de visite de l’accusé. Pour ce faire, la victime doit prouver qu’elle serait exposée à un réel danger si l’accusé pouvait continuer à exercer ses droits d’accès. La victime peut avoir recours à :
- Des photos montrant les blessures infligées par l’accusé;
- Des messages exposant le comportement abusif de l’accusé; et
- Des notes énonçant le changement de comportement des enfants depuis l’arrestation du parent accusé (nervosité, crainte, remord, etc.)
Le parent accusé doit alors réfuter ces éléments de preuve et convaincre le tribunal que ses droits d’accès devraient être maintenus. L’accusé peut soulever les arguments suivants :
- Il a été mis en liberté par un tribunal pénal compétent;
- Il n’y a aucune interdiction de communication à l’égard de ses enfants;
- Les accusations portées contre lui ne sont pas reliées aux enfants;
- Il n’a pas encore été reconnu coupable des accusations portées contre lui; et
- La suspension de l’accès aurait un effet trop néfaste sur la relation entre l’accusé et ses enfants.
Visite et échange dans un centre de supervision
En principe, l’interdiction de communiquer avec un parent n’empêche pas l’accusé d’exercer ses droits d’accès vis-à-vis ses enfants. Par mesure de précaution, il est mieux de mettre en place un accord ou d’obtenir une ordonnance imposant un lieu et une méthode d’échange permettant à l’accusé de voir ses enfants sans violer ses conditions de mise en liberté.
À cet effet, il peut être utile de communiquer avec un centre local offrant des services de supervision pour permettre à l’accusé de continuer à exercer ses droits d’accès. Très souvent, ces centres sont aussi des endroits adéquats pour effectuer l’échange des enfants entre parents.
Les meilleurs intérêts de l’enfant
Dans tous les cas, le droit du parent accusé de violence familiale de continuer à voir son enfant est assujetti au principe du meilleur intérêt de l’enfant. Même si l’incident qui a déclenché les poursuites judiciaires au tribunal pénal était de nature mineure, les juges de la cour familial maintiendront le droit d’accès à un enfant uniquement s’il est dans l’intérêt de cet enfant de continuer à voir le parent accusé. Puisqu’il s’agit d’une mesure avec des conséquences plutôt draconiennes, la suspension du droit d’accès est souvent temporaire. En effet, il est possible pour le parent accusé de violence familiale de réintégrer la vie familiale au fur et à mesure, tant que cette réintégration est dans l’intérêt de l’enfant et que le parent réussi à convaincre le tribunal que la vie et la sécurité de l’enfant ne seront pas en danger.
Dans les cas d’une arrestation d’un parent, il est préférable pour chaque conjoint d’obtenir des conseils juridiques afin de déterminer la meilleure solution relativement aux droits de garde, d’accès et de visite et pour assurer la stabilité du foyer familial.
Karen Kernisant est avocate à Aubry Campbell MacLean et pratique dans le domaine du droit de la famille, du droit pénal et du contentieux civil.